historique: année 2021


vue aérienne de ma ville prise du nord-est en août 2022

 

vue aérienne de ma ville prise du nord-ouest en août 2022

 

vue aérienne de ma ville prise du sud-est en août 2022

 

vue aérienne de ma ville prise du sud-ouest en août 2022

 

vue aérienne de ma ville prise du nord en août 2022

 

vue aérienne de ma ville prise de l'est en août 2022

 

vue aérienne de ma ville prise de l'ouest en août 2022

 

les événements marquants de l'année 2021

Mes espoirs de l’année précédente s’avérèrent hélas vains et chacune des expositions auxquelles je comptais prendre part fut annulée l’une après l’autre en raison de l’irrésistible propagation du virus. Mon dernier salon remontant à novembre 2019, il y avait dorénavant plus de deux ans que je n’avais pas contemplé ma ville dans son ensemble et l’arrivée, en cette fin d’année, d’une nouvelle vague de contamination n’annonçait rien de bon. Empressé de nature et n’ayant jamais su prendre mon mal en patience, je rongeais mon frein et commençais à envisager d’autres solutions pour parvenir à mes fins comme la location d’une fourgonnette pour le transport de mes 45 caisses jusqu’à mon école où, pendant les vacances semestrielles, j’avais la possibilité de disposer d’une salle vacante dans laquelle je pourrais assembler, inspecter et photographier à l'objet de toutes mes attentions.         

Je parvins au printemps puis en automne à réaliser les deux chantiers majeurs que j’avais planifiés lors des dernières semaines de l’année passée et finis, manquant d’inspiration pour de nouveaux projets, par en rester là. Il s’agissait, d’une part, de l’ultime extension de mes quartiers résidentiels vers l’est et, d’autre part, de la densification de mes zones tertiaires dans le centre-ville. J’avais la ferme intention, pour mes travaux d’agrandissement, d’écouler le plus grand nombre possible des pièces dont je disposais en réserve sans avoir à m’en procurer de nouvelles et, à mon grand étonnement, j’y parvins sans difficulté. Comme je l’avais fait en 2019 lors de mes travaux d’extension vers l’ouest, je perçai ces nouveaux quartiers périphériques d’une longue avenue orientée du nord au sud autour de laquelle vinrent s’ordonner, au sud des voies ferrées menant à la gare de l’Est, des micro-quartiers aux immeubles inspirés des fameuses stalinkas des années 40 et 50, qui sont une spécificité architecturale de l’Union soviétique, et, au nord de ces mêmes voies ferrées, d’immeubles inspirés, pour rester dans le même registre, des brejnevkas des années 70 et 80 qui elles, à la différence des stalinkas, ne sont autres que les grands ensembles qui furent construits à la même époque dans pratiquement tous les pays du monde. Les stalinkas sont ces immeubles de prestige d’architecture néoclassique aux nombreux retraits, aux lourds entablements et aux façades ornées de colonnes, de pilastres, de frontons et parfois même de bas-reliefs. Elles furent érigées, comme leur nom l’indique, sous Staline et furent beaucoup critiquées en raison de leur coût et de leur surcharge ornementale. Parmi les exemples les plus impressionnants, il y a la perspective Koutouzov, la perspective Lénine et la place Gagarine à Moscou, l’avenue du Krechtchatik et la place de l’Indépendance à Kiev, la perspective Lénine et la place de Moscou à Léningrad, la perspective de l’Indépendance, la place de la Victoire et la place de la Gare à Minsk, l’avenue Karl Marx, la place de Strausberg et la porte de Francfort à Berlin et, pour finir cette petite liste qui est loin d’être exhaustive, l’avenue du Maréchal et la place de la Constitution à Varsovie. À cette longue liste devraient aussi s’ajouter les réalisations tout aussi réussies mais d’inspiration locale, que celle-ci soit hanséatique comme à Rostock, baroque comme à Dresde, romane comme en Érévan ou orientale comme à Bakou. N’étant pas à même, à l’échelle où je travaille, de rendre la profusion ornementale de ces édifices, je me contente de restituer leur parfaite ordonnance constituée d’un ensemble de corps de bâtiment de hauteur et de saillie différentes, cette ensemble formant un habitat pratiquement fermé et d’apparence très urbaine à la différence des immeubles d’habitation qui furent construits par la suite (les khrouchtchevkas dans les années 60 et les brejnevkas à partir des années 70) dont l’agencement et les panneaux préfabriqués donnent la fâcheuse impression de se retrouver au fin fond d’une banlieue morne et déshéritée. Les khrouchtchevkas sont, d’un point de vue purement esthétique les moins glorieuses de toutes les constructions soviétiques. Elles étaient purement fonctionnelles (pièces minuscules, plafonds bas, balcons inexistants, nombre d’étages limité à cinq pour se dispenser d’ascenseurs et isolation nulle qu'elle soit thermique ou acoustique) et avaient pour unique fonction de reloger au plus vite les dizaines de millions de Soviétiques vivant en appartement communautaire ou, pire encore aux lendemains des ravages de la guerre, en baraquement de fortune où la toilette matinale, pour ne citer qu’un petit exemple de la vie quotidienne, ne devait pas être une partie de plaisir quand les froids sibériens s’abattaient sur le pays. Aujourd’hui encore, à propos de toilette matinale, je ne peux m’empêcher, quand, en plein hiver, je m’apprête au réveil à ouvrir le robinet d’eau chaude de ma douche, de penser aux pauvres Coréens du Nord qui, vivant dans des immeubles où l’eau courante et le chauffage central ne fonctionnent que de façon très aléatoire, se débarbouillent dans une salle de bains glaciale en puisant de l’eau dans leur baignoire convertie en citerne pour parer toute éventualité.   

Ayant un infaillible penchant pour les statistiques bien que je sache pertinemment qu’elles sont mensongères dans la plupart des cas, je voulus savoir en cette fin d’année quelle était dans ma ville la répartition des différents types de construction. Avant de me lancer dans leur décompte, je commençai par les classer en six catégories distinctes : premièrement le centre-ville d’allure états-unienne, à l’habitat pratiquement fermé depuis mes derniers travaux et majoritairement composé de gratte-ciels et d’immeubles de bureaux, deuxièmement les faubourgs d’allure soviétique, à l’habitat semi-ouvert et composés d’immeubles de prestige (les fameuses stalinkas) et de leurs équipements de proximité, troisièmement les banlieues d’allure également soviétique (non pas en raison de la facture de leurs grands ensembles qui, comme je l’ai dit précédemment, se retrouvent dans pratiquement tous les pays du monde, mais à cause de leur agencement, à grande échelle, en micro-quartiers), à l’habitat ouvert et composées de tours, de barres et de leurs équipements de proximité, quatrièmement les îlots réservés aux bâtiments gouvernementaux et aux grands équipements collectifs tels que les gares, les musées, les centres commerciaux, les hôpitaux, les universités et les différentes administrations, cinquièmement les zones d’activités économiques et sixièmement les espaces verts. Grâce au plan méticuleux de Microville que j’avais réalisé en 2015 et que je n’oublie jamais de mettre à jour à chaque nouvelle transformation, je décomptai un total de 489 îlots dont 111 pour le centre-ville (23%), 154 pour les faubourgs (31%), 94 pour les banlieues (19%), 67 pour les grands équipements (14%), 39 pour les zones d’activités économiques (8%) et 24 pour les espaces verts (5%). La lecture de ces chiffres me fit immédiatement penser que ma ville était décidemment bien vertueuse et qu’elle se classait, se concentrant sur une quinzaine de kilomètres carrés et ne comptant aucune zone pavillonnaire, à la tête des agglomérations luttant contre les ravages de l’étalement urbain comme l’asphaltage systématique, la destruction des habitats naturels et la pollution atmosphérique due à l’explosion de la circulation automobile. Souhaitant disposer de quelques éléments de comparaison avec le monde réel, je m’amusai à déterminer la répartition des même catégories dans une agglomération française et choisis Strasbourg qui, ayant une longue frontière naturelle à l’est, me semblait d’un abord plus facile pour mes laborieux calculs de superficie. Pour ce faire, je me servis des images satellitaires disponibles sur la toile et parvins, en travaillant à la grosse louche, aux résultats suivants : centre-ville (3 km², soit 3% de la superficie totale de l’agglomération), faubourgs (9 km², soit 7%), banlieue (76 km², soit 61% dont 92% de zones pavillonnaires), zones d’activités économiques (23 km², soit 18%) institutions gouvernementales et grands équipements (7 km², soit 5%) et espaces verts (8 km², soit 6%). Comme on peut le voir, la part des zones pavillonnaires est énorme et sans doute aurait-elle été plus importante si je m’étais penché sur une ville états-unienne. Face à ces banlieues devenues tentaculaires en raison de l’inaction des pouvoirs publics (et encore l’inaction est-elle le moindre mal puisque certains gouvernements libéraux ont même encouragé l’accès à l’habitat individuel), les collectivités locales, n’ayant pas les moyens d’assurer une bonne desserte en transports en commun de ces gigantesques zones à très faible densité, dilapident des sommes colossales pour tenter d’améliorer les infrastructures routières et se retrouvent confrontées, quoi qu’elles fassent, à de gigantesques problèmes de congestion, de pollution et de détérioration du bien-être de leurs administrés. J’avais découvert, quelques années tôt, une étude comparant les photographies aériennes des centres-villes des grandes agglomérations états-uniennes, les premières prises dans les années 40 et les secondes dans les années 70 et avais été stupéfait par l’ampleur des destructions consécutives à l’aménagement, voulu à tout prix par les grands constructeurs automobiles, de gigantesques autoroutes urbaines, de leurs innombrables bretelles et de leurs monstrueux échangeurs. Je n’ignorais pas leur existence mais, imaginant naïvement que ces infrastructures démesurées avaient été construites sur des terrains inoccupés, je ne m’étais jamais véritablement représenté l’ampleur des dégâts qu’elles avaient provoqués dans des villes qui, épargnées par les ravages de la seconde guerre mondiale, s’étaient vues, quelques années plus tard, frappées de plein fouet par un cataclysme d’une portée similaire. Les premiers clichés, qu’il est très facile de trouver sur la toile, font apparaître des villes harmonieusement dessinées, modérément étendues et densément peuplées tandis que les seconds dévoilent un tissu urbain morcelé, une voirie désarticulée, des quartiers enclavés et un habitat atrophié dans le centre mais gangrénant toutes les terres alentour. Il apparaît aussi que les ravages ne se limitent pas aux profondes entrailles lacérant le bâti mais s’étendent à tous les îlots voisins, qui perdant tout attrait en raison de leur environnement - c’est du moins la seule explication qui me vient à l’esprit -, finirent au cours des années par se transformer en terrains vagues, en parcs de stationnement ou en zones d’entreposage. Et c’est ainsi, qu’en une génération, les cœurs autrefois palpitant des grandes villes américaines se retrouvèrent, pour la modique somme de plusieurs centaines de milliards de dollars intégralement payés par les contribuables, transformés en cimetières. Si le quartier de Manhattan échappa au pire, c’est uniquement parce que ses habitants, dont le niveau de revenu, d’instruction et de conscience civique est très nettement supérieur à la moyenne nationale, se mobilisèrent avec succès pour que fussent abandonnés les projets dévastateurs qu’on leur avait concoctés. Il semblerait que ce fut lors de l’exposition universelle de 1939 que le constructeur automobile General Motors, en exposant la gigantesque et magnifique maquette d’un monde futuriste entièrement dédié à l’automobile (le fameux Futurama), se lança, sachant pertinemment la fascination que peut exercer ce genre d’ouvrage sur les esprits de tous les âges, dans la promotion auprès de l’opinion publique du modèle de société le plus favorable à la prospérité de son entreprise, ce modèle ne se contentant pas de vouloir construire des milliers de kilomètres d’autoroutes mais aussi de supprimer, au prétexte qu’elles entravaient la circulation des automobiles, les centaines de lignes de tramway qui existaient alors. Et c’est exactement ce qui se produisit grâce au travail de sape méticuleusement orchestré par les grands noms de l’automobile auprès des masses populaires et aux largesses savamment saupoudrées sur les milieux décisionnels.

Aujourd’hui, rien n’a changé. Seules quelques villes tentent timidement d’enfouir ou de transformer la portion la plus rédhibitoire de leurs autoroutes urbaines. La municipalité de Boston, par exemple, a enterré 1500 mètres d’une rocade balafrant son centre-ville et a su, grâce à cette mesure de salubrité publique malheureusement très onéreuse, requalifier tout un quartier. En Corée du Sud, la municipalité de Séoul ne démérite pas non plus et s’est distinguée en détruisant plus de cinq kilomètres d’une infernale voie rapide défigurant son centre-ville et en restituant le cours d’une ancienne rivière, le Cheonggyecheon, dont les rives furent aménagées en promenade bucolique. J’attends aussi avec impatience le moment où les instances dirigeantes du millefeuille décisionnel francilien se débarrasseront des autoroutes urbaines de l’agglomération parisienne, à commencer par le Boulevard périphérique qui, loin de fluidifier la circulation, la ralentit en plus d’être un affront permanent à toute forme de joie de vivre, de bien-être, d’harmonie et de convivialité. Bien sûr, je comprends parfaitement la fascination que peuvent exercer la voiture et le pavillon sur une partie de la population et n’ai pas oublié que ma mère, rêvant elle aussi de posséder un petit jardin, pensait que ses enfants seraient plus heureux de vivre en pavillon jusqu’au jour resté gravé dans sa mémoire où, rentrant d’une visite que nous avions rendue à des parents de mon père qui venaient, en grande banlieue, d’inaugurer leur jolie maison, mes frères et moi avions plaint de tout cœur nos lointains cousins qui, ne disposant dans leur jardin que d’un minuscule bac à sable, nous semblaient particulièrement déshérités alors que nous avions la chance, dans notre cité d’habitations à loyer modéré, de profiter d’espaces bien mieux aménagés et infiniment plus étendus, espaces dans lesquels nous étions toujours assurés de retrouver tout ou partie de nos camarades de jeux et de ne jamais nous ennuyer quand nous sortions.

Comme je l’avais escompté lors de son élaboration, le plan que j’avais réalisé de Microville en 2015 m’avait rendu de nombreux services. Tracé au moyen d’un tableur sur lequel chaque case d’un gigantesque tableau aux multiples couleurs (gris foncé pour les chaussées, gris clair pour les trottoirs et les cheminements piétonniers, noir pour les lignes de métro, rouge pour les grands bâtiments publics, marron foncé pour les zones tertiaires, marron clair pour les zones résidentielles, orange pour les équipements publics de proximité, mauve pour les transports, bordeaux pour les zones d’activités, vert pour les espaces verts, jaune pour les plages et bleu pour les zones aquatiques) correspondait à un tenon si bien qu’après sa nouvelle extension ma ville couvrait une surface de 230.400 cases (soit 2.304 cases par plaque de 38 centimètres ou 48 tenons de côté), il m’avait permis de rectifier de nombreuses erreurs de raccord entre les différentes plaques et de ne plus en faire par la suite. Ayant la chance de vivre dans un vieil immeuble aux appartements très hauts de plafond, trois piles me suffisent pour répartir mes 45 caisses de rangement, ces piles s’élevant dans un coin de pièce et ne me privant, pour chacune d’entre elles, que d’un demi-mètre carré de surface au sol, ce qui, pour un loisir m’ayant occupé des milliers d’heures pendant des années, ne me semble pas exagéré. Avant l’existence de ce plan, il me fallait, dès que j’entreprenais des travaux sur les bords d’une plaque, dénicher la plaque voisine pour vérifier la justesse des raccords. Or, il arrivait souvent que la plaque en question se trouvât précisément dans la toute première caisse d’une pile de trois mètres de hauteur et qu’il fallût, pour y accéder, que je déplaçasse, monté sur un tabouret, toutes les caisses la surmontant. Aussi, la paresse l’emportant sur l’exactitude, m’étais-je souvent contenté de m’en remettre à mon intuition et avais-je souvent fini par constater, lors d’une exposition, que l’allée d’une cour intérieure s’arrêtait abruptement, que des immeubles normalement disjoints se touchaient, que les différentes parties d’un espace vert se rejoignaient mal ou qu’un gymnase ne se dressait pas dans le prolongement de la cour d’école. Grâce à mon plan, je n’avais plus besoin de me transformer en manutentionnaire à chaque nouvelle transformation et n’avais plus qu’à consulter mon tableur pour être assuré de ne pas faire d’erreur. Ce plan avait néanmoins l’inconvénient de ne pas donner d’indication sur la hauteur, la couleur et le style des différents immeubles, ce que je finis par regretter, ayant toujours privilégié la diversité et n’ayant jamais aimé la contiguïté de gratte-ciels de même taille ou de même facture, ce qui peut se produire aisément à Microville car n’oublions pas, d’une part, que la taille la plus répandue parmi mes tours est d’une vingtaine de centimètres, taille leur permettant de se caser sans difficulté dans mes boites de rangement et qu’il m’arrive, d’autre part, de dupliquer mes gratte-ciels préférés que je cherche alors à éloigner le plus possible les uns des autres pour que le subterfuge n’apparaisse pas de façon trop flagrante. Aussi pris-je la décision, durant mes vacances semestrielles du début de l’année, de réaliser sur Minecraft une reproduction de Microville qui m’occupa de nombreuses journées et s’avéra particulièrement réussie même si elle écrasait légèrement les proportions générales puisqu’une brique en légotique n’est pas cubique, chacun des côtés de sa base mesurant environ huit millimètres pour une élévation de dix millimètres, contrairement à l’unité de base utilisée sur mon logiciel de construction. La seule incongruité de cette maquette virtuelle était l’apparition récurrente, dans chacun des quartiers de ma ville, de tous les animaux de la ferme, créatures que je finis, mon bon cœur m’empêchant de trucider les êtres sans défense, par laisser déambuler dans mes rues et brouter dans mes parcs malgré leur taille ridiculement disproportionnée puisqu’à mon échelle une poule mesurait une bonne dizaine de mètres et pondait çà et là des œufs de la taille d’un kiosque à journaux. Hélas, l’acquisition en cette fin d’année d’un nouvel ordinateur et la réinstallation de tous mes logiciels me fit perdre cette maquette dans les dédales de l’informatique et je crains, n’y connaissant strictement rien en la matière et ne vibrant pas de l’impérieux désir de m’y intéresser, qu’elle n’y reste à jamais.   

Pour revenir à mes derniers travaux d’agrandissement, je venais donc d’ajouter à ma ville 18 îlots d’immeubles de prestige à l’habitat semi-ouvert (au sud des voies ferrées menant à la gare de l’Est), 17 îlots de tours et de barres à l’habitat ouvert (au nord de ces mêmes voies ferrées), 7 îlots de zones d’activités économiques (en raison de l’extension du port, de l’aéroport et, le long des voies ferrées, des zones industrielles) et 2 îlots d’espaces verts. Ma ville voyait donc, une fois terminés ces nouveaux aménagements, sa superficie passer de 90 à 100 plaques de base (soit de 13 m² à 14,4 m²) et je comptais bien en rester là, sachant que cette décision m’était dictée par la raison.

En observant attentivement ces nouveaux quartiers qui venaient de surgir je m’aperçus, tout dépité, que l’unique avantage de leur émergence était d’agrandir ma ville ce qui, bien sûr, n’était pas si mal puisque j’avais toujours poursuivi le but d’impressionner mon public par l’immensité de mon entreprise, et ne pus m’empêcher de déplorer que ces centaines de nouvelles constructions n’apportassent rien de nouveau et ne fussent en somme que la répétition d’éléments déjà existants. Aussi me sembla-t-il tout à coup que ma source d’inspiration venait à tarir et considérai avec regret, comme si cette aventure commencée douze ans plus tôt allait bientôt s’achever, que mon projet ne connaîtrait peut-être plus de développement majeur. N’étant parvenu lors des derniers mois à ne créer qu’un unique bâtiment réellement nouveau, je lui décernai, faute d’un nombre suffisant de concurrents, la médaille de bronze de la plus belle réalisation de l’année, récompense qu’il n’aurait sans doute pas obtenue s’il avait vu le jour à un autre moment. Il s’agissait pour ce bâtiment de ma toute première et encore fort timide incursion dans le monde merveilleux du déconstructivisme. Considérant, peut-être à tort, que les architectes de ce courant recherchent davantage l’originalité tapageuse et la prouesse technique que l’harmonie générale et la réussite esthétique, je ne compte pas parmi leurs fervents admirateurs. Ne souhaitant pas entrer dans le débat sans issue sur la beauté, j’en resterai, sachant pertinemment que je me facilite la tâche en retenant une définition confondante de banalité, au coup de cœur ressenti par tout spectateur aguerri. Quand, en effet, après avoir scruté de mes regards inquisiteurs des milliers d’édifices, je suis pris tout à coup de cette émotion particulière emballant le cœur et l’esprit, j’appose mon label sans grande hésitation et ne cherche pas nécessairement à sonder les possibles raisons de mon engouement. Mon premier gratte-ciel déconstructiviste, pour revenir à lui, était fort sage et se contentait de superposer cinq parallélépipèdes identiques d’une élévation respective de 45 mètres en les décalant chacun, à la manière d’un escalier aux marches très étroites, d’un demi-tenon dans la même direction. En regardant le résultat de ce premier essai, je compris qu’il me restait encore beaucoup de chemin à parcourir pour égaler des réalisations telles que les tours déhanchées de Mississauga, les Hauteurs océanes de Doubaï ou la tour torsadée de Malmoe. Bien que ma nouvelle création ne me fît pas bondir d’émerveillement, je pris tout de même la décision, ayant suffisamment de pièces à ma disposition, de la dupliquer pour remplacer l’un de mes nombreux gratte-ciels en attente de bonification. Je construisis une autre tour, mais celle-ci n’étant pas une création originale comme nous allons le voir, je ne voulus pas, dans un premier temps, la faire concourir et finis tout de même par lui attribuer la médaille d’or après son remaniement. Ayant profité aux lendemains des fêtes de fin d’année d’une offre promotionnelle particulièrement intéressante sur la version de la tour Empire commercialisée par la maison mère, je m’en étais procuré trois boîtes pour le prix d’une, avais construit pour la première fois de ma vie un édifice conçu par un véritable professionnel et avais été ébloui par la diversité des pièces employées, l’ingéniosité de leur assemblage et l’absolue perfection du résultat qui reléguait en troisième division la plus achevée de mes constructions. Ce gratte-ciel emblématique aurait mérité une place de choix dans ma ville mais trois raisons s’y opposaient. La plus rédhibitoire d’entre elles était son échelle. Cet édifice était réalisé au huit centième quand ma ville l’est au millième et même si cette différence peut sembler mineure de prime abord, la disproportion sautait aux yeux quand je comparais ma nouvelle acquisition aux autres immeubles. Ce n’était pas tant sa taille, puisque certaines de mes tours le dépassaient même de quelques centimètres, mais son épaisseur dans les niveaux inférieurs qui semblait incompatible. Je me souviens, à titre d’exemple, d’une très belle maquette dans laquelle son concepteur, un jeune homme originaire de Chicago, avait inséré la réplique commercialisée par la maison mère de la Porte de Brandebourg qui, étant réalisée à une tout autre échelle que le reste de sa ville, tombait comme un cheveu sur la soupe et me semblait une impardonnable faute de goût. Ce jeune homme avait également tenté d’aménager un échangeur autoroutier mais, comme je l’ai déjà maintes fois évoqué, vouloir suggérer la courbe avec des éléments rectilignes est voué à l’échec et ses bretelles d’accès faisaient véritablement peine à voir. Il n’en restait pas moins vrai que l’ensemble était très réaliste et que je m’en étais inspiré à plusieurs reprises. La seconde raison de mes hésitations relevait de l’honnêteté intellectuelle. Ce nouvel édifice n’étant pas de mon cru, j’avais l’impression en l’intégrant dans ma ville de déroger à la règle tacite que je m’étais fixée et de commettre quelque tricherie comme si, en exposant mes peintures dans une galerie, je glissais, mine de rien, un Cézanne ou un Renoir parmi mes tableaux et n’indiquais nulle part que je n’en étais pas l’auteur. La troisième raison relevait enfin de mon amour propre. Je craignais en effet que la supériorité si manifeste de cet édifice ne fît trop d’ombre à mes propres créations et ne rompît en conséquence l’harmonie générale comme cela se peut se produire dans les réalisations de certains maquettistes. Quand, par exemple, un piètre bâtisseur se passionnant pour les chemins de fer mélange, dans le petit centre-ville autour duquel circulent ses trains électriques, les ravissants modèles commercialisés par la maison mère comme le commissariat, la caserne de pompiers ou la banque aux bâtisses de son cru, le résultat peut être humiliant et l’on se jure à voix basse de ne jamais commettre pareille maladresse. Ce ne fut donc qu’au bout de longues tergiversations que je pris la décision de conserver sur une étagère l’une des trois répliques de la tour Empire que je venais d’acquérir, d’utiliser les deux autres pour n’en construire qu’une, plus haute et beaucoup plus fine et, après lui avoir décerné la médaille d’or en toute bonne conscience, de placer ce nouvel hybride sur les rives de mon fleuve en espérant que je ne serais pas déçu du résultat le jour où je serais de nouveau à même de jouir d’une vue d’ensemble sur ma ville. La médaille d’argent revint enfin à ma première version de la tour Empire, datant de 2018, après qu’elle eut bénéficié d’un complet ravalement. Malgré sa première médaille obtenue l’année de sa construction, cette tour ne me plaisait déjà plus et l’arrivée de sa magnifique concurrente avait achevé de me convaincre qu’il fallait de toute urgence entreprendre des travaux d’embellissement. Je m’y étais attelé sur le champ et avait fini, au bout de nombreuses tentatives infructueuses, par obtenir un résultat dont j’étais suffisamment satisfait pour me lancer dans la construction d’une autre tour du même style si bien que ma ville se retrouve aujourd’hui dotée de trois gratte-ciels inspirés de la Tour Empire, le premier (celui que je venais d’embellir) mesurant 410 mètres et couvert de grilles gris clair et gris foncé, le second (celui que je venais de construire) mesurant 340 mètres et couvert de grilles blanches et gris clair et le troisième (celui que je venais de remanier en lui faisant subir une cure d’amaigrissement) mesurant 560 mètres et couvert de grilles beige. Rappelons à titre de comparaison que l’original mesure 380 mètres sous antenne et resta de 1931 à 1973, date à laquelle le funeste Centre international du commerce fut inauguré, le plus haut gratte-ciel de la planète.   

Aussi bizarre que cela puisse paraître après ce long développement sur mes nouveaux quartiers périphériques, leur émergence ne fut pas l’événement majeur de cette année. Le changement le plus notable se produisit en effet dans mon centre-ville. Profitant d’un nouvel arrivage de petites plaques de couleurs et de formes différentes dans mon magasin de détail, je poursuivis mes travaux de densification de mes zones tertiaires et parvint en deux semaines de travail assidu à construire plus de 500 petits immeubles de bureaux, doublant ainsi leur nombre grâce à l’occupation de tous les terrains vacants et au remplacement de toutes les bâtisses trop épaisses généralement composées de plaques de quatre tenons sur six. Certains de ces nouveaux immeubles, ne mesurant qu’un tenon de largeur (soit 7,5 mètres à mon échelle), ne firent que s’encastrer dans les nombreux interstices subsistant entre mes différents édifices et me rappelèrent ces maisons très hautes et très étroites que l’on rencontre dans les vieilles cités des Pays-Bas mais aussi, même si ce ne sont pas celles qui viennent spontanément à l’esprit quand on pense au Nouveau monde, dans les quartiers densément bâtis des premières villes nord-américaines, ces étroits immeubles y jouxtant parfois de gigantesques gratte-ciels auprès desquels ils semblent minuscules. Et ce fut ainsi que tous les îlots concernés par ces nouveaux travaux se diversifièrent, se densifièrent et surtout se refermèrent, conférant à mon centre-ville cet aspect d’intense urbanité que je briguais depuis si longtemps et que j’espérais dorénavant avoir atteint sans en être absolument sûr ne pouvant, par manque de place dans mon appartement, appréhender mon agglomération dans sa totalité, ce qui, bien entendu, me faisait trépigner d’impatience sachant que cela ne serait sans doute pas possible avant de longs mois. Le remplacement de pratiquement tous mes gros immeubles de petite taille eut pour conséquence immédiate que je me retrouvai avec des centaines de plaques noires, grises et blanches de quatre tenons sur six au rebut que j’entreposai en me demandant quel usage je pourrais bien en avoir à l’avenir. Toujours dans le désir de densifier mon centre-ville, je transformai aussi tous les immeubles doubles datant de 2016 en raccourcissant leurs passerelles.        

Parmi mes travaux de moindre importance, ce fut sans doute la destruction de dix de mes douze dinosaures, ces gratte-ciels de grande élévation et aux nombreux décrochements s’inspirant de l’architecture art-déco des années 20 et 30, qui transforma le plus visiblement la silhouette de mon hypercentre. Je les avais complètement remaniés trois ans plus tôt mais je les trouvais décidemment trop grossiers, n’étant généralement constitués que d’un empilement des briques les plus élémentaires leur conférant un aspect très monolithique. Je les remplaçai par des immeubles de moindre taille et vis pour la seconde année consécutive mon nombre de gratte-ciels diminuer et mon hypercentre s’éclaircir quelque peu, ce qui, finalement, n’était pas pour me déplaire car je le trouvais trop encombré.

Je pris aussi la décision de conférer davantage de réalisme aux toitures de mes gratte-ciels que je trouvais depuis longtemps bien trop lisses et bien trop nettes. Je m’étais convaincu de la nécessité de ces transformations en me penchant sur les images satellitaires du quartier de Manhattan faisant apparaître que les toitures des grands immeubles, à la différence de leurs façades impeccablement proprettes, étaient constituées d’un épouvantable enchevêtrement de diverses installations techniques, m’étais promis d’y réfléchir et finis, en cette fin d’année, par m’y atteler tant bien que mal, ne disposant pas d’un grand nombre de pièces adéquates. Je me servis de petites dalles rondes d’un tenon pour suggérer les multiples bouches de ventilation, de télescopes vert kaki pour les antennes de petite taille, de plaques rondes de quatre tenons pour les héliports, de plaques carrées de tailles diverses et de petites briques voûtées pour les locaux techniques, de barrières mobiles (ces petites pièces arrondies d’un tenon muni d’un bras noir) pour les potences des nacelles de nettoyage et de grilles à profil triangulaire les trouvant crédibles sans vraiment savoir ce qu’elles pouvaient bien représenter. Ces travaux de petite envergure améliorèrent quelque peu le réalisme de mes gratte-ciel et me firent penser qu’il ne serait pas inopportun non plus de se pencher sur les rez-de-chaussée dont je ne m’étais jamais vraiment préoccupé et qui, pour la grande majorité de mes tours et mes immeubles de bureau, ne ressemblaient à rien.

 

dimensions et réalisations en 2021

dimensions: 90 plaques soit 13,0 m² (+20 plaques maritimes)

réalisations:

- aménagement de nouvelles zones résidentielles à l’est de la ville

- extension du port et de l’aéroport

- multiplication des immeubles de bureaux de petite taille afin de fermer les ilots du centre-ville

- introduction d’immeubles de bureaux très étroits (1 tenon)

- destruction de 9 de mes 11 premiers gratte-ciels art-déco

- construction d’une troisième version de la tour Empire, plus haute et plus fine

- suppression de 3 îlots résidentiels :

  le premier encastré dans une zone de bureaux près du Grand-hôtel,

  le second jouxtant la gare du Nord

  et le troisième près de gare de l’Est

- réfection de toutes les toitures des gratte-ciels

- réfection des stations des 3 lignes du métro aérien

- remplacement de toutes les toitures rayées en raison du frottement des plaques

  (dû à leur empilement dans mes caisses de rangement)

- raccourcissement des passerelles des immeubles doubles

- reconstruction des buvettes du front de mer

 

constructions préférées en 2021

médaille d'or: tour Empire n°3 commercialisée par la maison-mère et remaniée pour être à l’échelle

médaille d'argent: tour Empire n°1 remaniée et embellie

médaille de bronze: gratte-ciel d’inspiration déconstructiviste

 

acquisition de nouvelles pièces en 2021

(en dehors des briques les plus traditionnelles)

mini-pyramides marron foncé (1x1x0,3)

Elles me permirent de refaire les toitures des buvettes de la plage.

mini-voûtes blanches et gris clair (1x1x0,3)

Elles me permirent de diversifier les toitures des immeubles de bureaux.

dalles beige foncé (1x2)

Elles me permirent de réajuster la taille des immeubles résidentiels qui, jusqu’alors, étaient toujours d’une longueur paire en tenons puisque je ne disposais que de dalles de deux tenons sur deux pour les toits.

grilles gris clair et beige clair (1x2)

Elles me permirent de varier le revêtement d'un certain nombre de façades.