historique: année 2020


panorama de mon agglomération fin 2019

vue aérienne du centre-ville prise du nord-ouest fin 2019

vue aérienne de l'hypercentre fin 2019

vue aérienne de ma ville prise du sud-ouest fin 2019

vue aérienne de ma ville prise du sud-ouest fin 2019

vue aérienne de ma ville prise du nord-ouest fin 2019

vue aérienne du centre-ville prise du sud-ouest fin 2019

vue aérienne du centre-ville prise de l'ouest fin 2019

vue sur le port et l'aéroport prise fin 2019

 

les événements marquants de l'année 2020

Rien ne vaut une petite séance d’autocritique pour entamer la nouvelle année pensais-je en regardant tout dépité les photos que j’avais faites de ma ville deux mois plus tôt lors du Salon du jeu et des activités ludiques de Rostock. Il n’y avait pas à tergiverser : je leur préférais celles de l’année précédente et les raisons de ce triste constat me crevaient les yeux. La soudaine apparition au milieu de mon agglomération de ce fleuve beaucoup trop rectiligne, beaucoup trop vaste et beaucoup trop bleu constituait de loin l’imperfection la plus flagrante. L’omniprésence de cette large étendue d’eau avait en outre l’énorme inconvénient, en entaillant le tissu urbain, de rompre sa continuité et de détruire l’impression d’immensité que ce dernier conférait jusqu’alors au bâti. Or, cette impression d’étendue et d’urbanité était précisément l’objectif principal que je m’étais fixé au tout début de mes travaux de construction et, à mes yeux, l’aspect le plus réussi de mon ensemble urbanistique que je venais donc, niaiseux que j’étais, de défigurer sur un coup de tête. Sans doute eût-il été raisonnable de prendre des mesures radicales et de supprimer l’intru sans autre forme de procès mais je sus tout de suite que je ne m’y résoudrais pas. J’avais trop investi, tant mentalement que matériellement, dans l’émergence de ce fleuve pour envisager de m’en débarrasser. Il fallait donc le transformer : atténuer sa brillance, réduire ses dimensions et rompre sa rectitude. Pour réaliser le premier objectif, il eût fallu remplacer les milliers de dalles bleu marine que j’avais acquises l’année précédente ce dont, bien sûr, il était hors de question même si je fus brièvement tenté, dans un moment de folie, de le faire. J’avais vu en effet, quelque temps plus tôt, la réalisation de mon légobâtisseur préféré (il s’agissait, à une échelle proche de la mienne, d’une magnifique maquette de la Rome impériale) et n’avais pas manqué de remarquer qu’il avait judicieusement choisi des briques translucides grises pour représenter les eaux du Tibre. Cette couleur m’avait semblé plus conforme à la réalité et j’avais ressenti, comprenant que j’avais manqué ma chance d’en faire autant, un léger pincement au cœur me rappelant cette scène incroyable d’un film américain narrant le quotidien d’un jeune loup de la finance à la fois carriériste, égocentrique, perfectionniste et maniaque qui, en constatant que la carte de visite de son collègue est d’un coloris, d’une texture et d’une calligraphie légèrement plus subtils que la sienne, est pris de sueurs froides et frappé de palpitations. Je n’en étais pas là, bien sûr, mais j’avais et continue de concevoir quelques regrets quand je regarde les eaux trop bleues de mon long fleuve tranquille. La contemplation de cette impressionnante reproduction de la Rome impériale me rappela que j’avais découvert, de nombreuses années auparavant, deux plans-reliefs effectués en plâtre de cette même ville à son apogée. Le premier, réalisé par Italo Gismondi durant toute la durée d’une vie m’avait, du fait de son envergure, le plus impressionné. Conçue au 250ème, cette œuvre grandiose exposée au Musée d’archéologie de Rome nous dévoile une surface qui, s’il s’agissait d’un carré, aurait 16,8 mètres de côté soit 4,2 kilomètres à notre échelle. La maquette d’Italo Gismondi est tellement vaste qu’il est impossible aux visiteurs d’apprécier à l’œil nu toute la richesse de détails des monuments se trouvant trop éloignés du bord. Il est certes possible, pour jouir d’une vue d’ensemble, de monter sur une galerie mais, là aussi, les détails restent hors de notre portée. Le second plan-relief, réalisé par Paul Bigot durant, là aussi, toute la durée d’une vie et exposé au Musée d’art et d’histoire de Bruxelles, fut conçu au 400ème et révèle une surface qui, s’il s’agissait d’un carré, aurait 8,2 mètres de côté, soit 3,3 kilomètres à notre échelle. À titre de comparaison, Microville est construite au millième et représente un carré de 3,8 mètres de côté soit 3,8 kilomètres à notre échelle. Quelques années plus tard, j’avais découvert, en arpentant la cybérie, une autre maquette qui m’avait sidéré tant par sa minutie que par son échelle. Réalisée durant 25 ans de sa vie par André Caron au 1800ème (ce qui fait qu’un gigantesque monument tel que le Colisée ne mesure plus que 10 centimètres de diamètre pour 3 centimètres de hauteur et qu’un immeuble de quatre étages ne dépasse pas les 6 ou 7 millimètres), cette maquette en carton peint à la gouache qui représente une surface qui, s’il s’agissait d’un carré, aurait deux mètres de côté soit 3,6 kilomètres à notre échelle éblouit par sa méticulosité, sa rigueur et son goût du détail. Ce ne fut d’ailleurs qu’après avoir visionné un court métrage présentant son concepteur à l’œuvre et montrant que ses immeubles d’habitation étaient minuscules comparés à la taille de ses doigts que je finis par admettre que les indications données par l’auteur sur l’échelle n’étaient pas erronées. Pour l’anecdote, l’une des spécificités de l’œuvre de Paul Caron, qui malheureusement n’a pas de lieu permanent d’exposition, est qu’elle fut conçue à l’aide d’emballages de croquettes pour chiens. Ses fidèles compagnons ne purent malheureusement pas profiter de cette bénédiction quasi divine pour s’empiffrer à loisir car une seule boîte de croquettes suffisait, en raison de l’échelle à laquelle il travaillait, pour occuper leur maître de très longues journées.   

Pour revenir à Microville, n’étant donc pas en mesure de modifier la couleur de mon fleuve, il me fallait agir sur sa forme et sur sa taille. Je pris la décision, d’une part, de réduire sa largeur de moitié, ce qui signifiait qu’il fallait aussi, à mon grand regret, raccourcir la longueur des ponts qui eux ne me déplaisaient pas tels qu’ils étaient, et, d’autre part, d’introduire une sorte de méandre constitué de quatre coudes à 135 degrés (ouverture correspondant aux angles d’un octogone) dans son cours, le premier vers l’est, juste avant le centre d’affaires, et l’avant-dernier vers l’ouest, juste après. Si, l’année précédente, j’avais renoncé à l’introduction de toute forme courbe dans le lit de mon fleuve, c’était pour éviter l’apparition de lignes en dents de scie que je trouve, à mon échelle, particulièrement disgracieuses. Au bout de plusieurs tentatives infructueuses, je parvins cette fois-ci à camoufler l’épouvantable crénelage résultant des deux nouveaux tronçons obliques que je venais de créer en les couvrant, comme s’il s’agissait d’une digue sur berge, de longues dalles gris clair d’un tenon sur huit. Je constatai à ma grande surprise que le résultat de ces modifications était très satisfaisant et m’en voulus de n’avoir pas été plus persévérant l’année précédente.

La conséquence la plus immédiate du rétrécissement de mon fleuve fut la conquête de nouveaux terrains à bâtir sur les berges qui me permirent d’agrandir, sur la rive droite au nord et au sud de l’hypercentre, mes zones résidentielles et, sur la rive gauche, mon quartier d’affaires dont l’extension se retrouvait enserré dans la boucle que je venais de créer. Ce fut au cours de l’urbanisation de ces nouvelles zones que je conçus, inspiré de la Tour internationale du commerce érigée dans les années 70 à Berlin-Est, un gratte-ciel qui me plut aussitôt, que je répliquai en trois ou quatre exemplaires de différentes tailles et auquel je décidai de décerner, alors qu’on n’était qu’au printemps mais pensant à juste titre que je ne ferais pas mieux dans les mois à venir, la médaille d’or de la plus belle réalisation de l’année. La médaille d’argent revint quelque temps plus tard au Palais de la République, inspiré de l’édifice du même nom construit lui aussi dans les années 70 à Berlin-Est et qui fut mon second bâtiment partiellement érigé en mode décalé. Que la capitale de la RDA figurât cette année deux fois au palmarès ne signifie nullement que je conçoive une quelconque admiration pour l’architecture de ce pays que je considère, à quelques exceptions près, comme calamiteuse et sur laquelle je pourrais m’étendre longuement si je n’avais pas tant d’autres choses à relater. Quant à la médaille de bronze, elle fut attribuée aux premiers îlots de bureaux édifiés en habitat fermé comme je l’expliquerai plus loin.    

La seconde imperfection que révélaient mes clichés était la réapparition, alors que j’avais réussi à me débarrasser d’elles quelques années plus tôt, de couleurs trop voyantes à mon goût. L’année précédente, lors des travaux d’aménagement des berges, j’avais été, une fois de plus, confronté à la pénurie de matériaux. J’avais manqué, pour couvrir les façades de mes nouveaux gratte-ciels érigés en mode bidirectionnel, de ces dalles translucides grises ou beiges qui sont selon moi les plus adéquates à cet effet, et m’étais rabattu, d’une part, sur les dalles translucides bleu marine en surnombre dont je m’étais servi pour mon fleuve et, d’autre part, sur des tuiles carrées vert bouteille et rectangulaires rouge grenat dont la teinte m’avait paru décente quand je les avais découvertes dans mon magasin de détail. Je m’apercevais maintenant que je m’étais trompé et, sachant qu’un nouveau lot de briques commandé grâce à mon association de légobâtisseurs et comprenant des milliers de dalles et de minibriques translucides allait bientôt me parvenir, je fus réconforté à l’idée que je pourrais bientôt rectifier le tir. Cette nouvelle livraison ne tarda d’ailleurs pas et je pus à nouveau me lancer dans d’importants travaux au cours desquels je réussis à remodeler un très grand nombre de gratte-ciels et d’immeubles de bureaux en insérant notamment les vingt mille minibriques translucides que je venais de recevoir, ces fameuses pièces dont j’aime bien me servir pour symboliser la succession des étages. Il me semble important, à ce propos, de préciser le point suivant : la représentation que je fais des étages et dont je me contente faute de mieux est trompeuse. Les minibriques mesurant trois millimètres (soit trois mètres à mon échelle) produisent, quand les pièces opaques alternent avec les pièces translucides, des niveaux dotés d’une hauteur de six mètres sous plafond, ce qui est très exagéré et double en gros les proportions réelles. Ce n’est pas très gênant pour les tours de grande élévation dont on ne retient, après les avoir vues, que la multitude des étages sans pouvoir dire s’il y en avait une trentaine ou bien une soixantaine mais plus malencontreux pour les bureaux de petite taille d’une dizaine ou d’une quinzaine d’étages qui, n’en présentant à nos yeux que la moitié paraissent plus petits qu’ils ne sont en réalité et semblent disproportionnées quand on les compare aux immeubles résidentiels voisins de même élévation. Je terminerai cette parenthèse en précisant que je suis sans doute le seul à m’en apercevoir et que j’aurais tort de m’en émouvoir, mais je suis un grand maniaque et on ne se refait pas ou, pour être plus exact, on n’a pas envie de se refaire.  

L’immeuble qui engloutit le plus grand nombre de ces minibriques translucides que je venais de recevoir fut sans conteste la réplique très approximative que j’avais faite en 2018 de la tour Sears à Chicago. Je l’avais construite en me servant d’un surplus de briques gris foncé, l’avais effilée en l’élevant à plus de 600 mètres et, n’aimant pas la croix que formait l’avant-dernier segment du gratte-ciel original (allez savoir pourquoi), l’avais davantage étagée en lui insérant un plus grand nombre de paliers et en la dégradant module par module (ils sont au nombre de neuf) jusqu’au sommet. Je déplorais depuis sa création que mon gratte-ciel le plus élevé fût précisément le plus grossier (il n’était constitué que de quatre ou cinq pièces différentes) et comptais le transformer à la première occasion venue. Par ailleurs, je m’apercevais avec dépit, en le comparant à l’original, que la version apparemment plus sophistiquée que j’en avais faite ne le bonifiait en rien, bien au contraire, et lui préférais la silhouette plus sobre de son frère aîné. Aussi pris-je la décision de l’embellir en symbolisant ses étages, en lui restituant ses proportions d’origine et en le diminuant d’une cent cinquantaine de mètres pour lui rendre sa taille originelle, soit 440 mètres. Une fois les travaux terminés, je constatai que j’avais vu juste et que le vilain petit bâtard s’était transformé en un véritable pur-sang que je pouvais dorénavant exhiber sans la moindre honte. 

L’insertion de ces milliers de nouvelles pièces me permit de récupérer en très grand nombre les petites dalles gris clair dont je me sers normalement pour réaliser mes trottoirs et mes cheminements piétonniers mais que j’avais utilisées, faute de mieux, pour suggérer la succession des étages. Je me dis qu’elles me serviraient à la voirie de mon ultime extension, vers l’est, que je comptais entreprendre l’année suivante.

La quatrième opération majeure de cette année, après le rétrécissement du fleuve, l’urbanisation des parcelles gagnées sur l’eau et l’insertion de milliers de briques translucides fut le remaniement de pratiquement tous les immeubles de bureaux de moindre taille. Je m’étais lancé dans leur construction en 2016 après avoir constaté que ma ville ne comptait pratiquement pas d’immeubles de taille intermédiaire se situant entre la barre d’habitation d’une dizaine d’étages et le gratte-ciel en dénombrant plus d’une trentaine. Aussitôt, je m’étais attelé à la tâche pour en ériger, selon les statistiques dont je dispose et dont je parlerai ultérieurement, une cinquantaine en 2016, une autre cinquantaine en 2017, puis une centaine en 2018. Pour ce faire, je m’étais majoritairement servi de plaques noires de six tenons sur quatre qui se trouvaient être les seules dont disposaient alors mon magasin de détail. Ma ville s’en était immédiatement trouvée plus réaliste mais je ne pouvais m’empêcher de déplorer l’épaisseur de ces nouveaux édifices dont la largeur dépassait du double celle de mes barres d’immeubles d’habitation (soit 30 mètres pour les premiers et 15 mètres pour les seconds). Quand, en 2018, décidant d’introduire des formes asymétriques dans ces parallélépipèdes afin de rompre leur monotonie, je leur adjoignis grâce à l’aide de plaques d’un tenon sur deux, sur trois ou sur quatre (que j’appelle aussi minibriques) des décrochements de formes variées, je ne fis que gonfler leur volume si bien qu’ils se retrouvèrent bientôt transformés en énormes pâtés. L’acquisition en 2020 d’un lot de plaques noires, grises, beiges et blanches de petite taille (de trois tenons sur trois, de quatre tenons sur deux et de trois tenons sur deux) me permit enfin de reconstruire la grande majorité de ces immeubles de bureaux en réduisant leur surface au sol. Et ce fut ainsi que leur nombre total passa, en une semaine de labeur acharné au cours de laquelle je me vis racler tous les fonds de tiroir, de 200 à 350 ce qui fait qu’ils mincirent en moyenne quasiment de moitié puisque je n’avais pas empiété sur de nouveaux terrains. Ce fut au cours de ces longues heures de travail que j’en vins, manquant de place pour positionner l’un de mes immeubles, à le coller à l’édifice voisin et les rendit par la même mitoyens. Je m’étais à ce jour appliquer à disjoindre mes différents bâtiments créant ainsi un urbanisme à l’habitat semi-ouvert respectant la trame des rues mais séparant d’un tenon chacune des différentes constructions comme c’est le cas, par exemple, dans les quartiers d’après-guerre des grandes villes du Proche-Orient que ce soit au Caire, à Tel-Aviv, à Damas ou en Amman. Ce n’étaient pas des considérations d’ordre urbanistique ou esthétique qui m’avaient conduit à ce choix mais le fait que je ne disposais pas de pièces suffisamment variées pour que l’on reconnût en cas de mitoyenneté qu’il s’agissait à chaque fois d’immeubles différents édifiés sur des parcelles distinctes. Fasciné par le centre-ville de New-York où pratiquement tous les immeubles, quelle que soit leur taille, sont mitoyens et où certains gratte-ciels peuvent se partager le même pan de mur sur vingt ou trente étages avant de s’écarter l’un de l’autre en raison de leurs différents retraits, je regrettais néanmoins qu’il n’y eût rien de similaire dans ma ville et ce d’autant plus que j’avais découvert quelque temps plus tôt l’incroyable maquette de Karl Sperber qui reproduisait à merveille cette fascinante impression d’intense densité urbaine. Réalisée au 500ème en carton dans son garage durant une soixantaine d’années puis partiellement exposée dans la vitrine d’un magasin désaffecté de sa ville de résidence, cette œuvre aux immeubles d’une étonnante diversité représente sur une surface de 100 m2 le centre-ville d’une gigantesque ville imaginaire inspirée de New-York ou de Chicago et me faisait regretter de ne pas avoir tenté d’en faire autant. Ce fut donc un peu par accident, comme je l’ai relaté précédemment, que je me rendis compte que j’étais désormais à même, grâce à l’arrivée de toutes ces plaques de tailles et de couleurs différentes, de reproduire ce mode de construction qui confère à mes yeux une irrésistible impression minérale de densité et d’urbanité que ne produisent jamais, aussi spectaculaires soient-elles, les tours sagement posées les unes à côtés des autres que l’on rencontre dans les pays du Golfe et d’Extrême-Orient. M’apercevant immédiatement de la réussite de cette nouveauté, j’entrepris de multiplier ces immeubles de bureaux mitoyens et parvins à en introduire une soixantaine. Une fois de plus, ce furent les pénuries de matériaux qui m’empêchèrent d’en réaliser davantage et ce malgré l’avantage de la mitoyenneté qui permet d’en récupérer quand on adopte la méthode du façadisme consistant, derrière une façade apparemment multiple, à n’avoir en fait qu’un unique bâtiment sans murs mitoyens comme c’est le cas dans certaines opérations de restauration, par ailleurs très décriées, d’îlots historiques dans lesquels ne subsistent après les travaux que les façades d’époque, les immeubles ayant été dénoyautés et les intérieurs complètement remodelés. Pour les constructions modernes, le façadisme se reconnaît d’ailleurs très facilement, trahi qu’il est par le parfait alignement des étages malgré la variation des façades dont on découvre après observation qu’elle n’est qu’artificielle. Pour en revenir à mes immeubles de bureaux, très satisfait du résultat de ces nouveaux travaux, je me promis de continuer sur cette voie dès que je disposerais des pièces nécessaires.

Parmi les chantiers de moindre importance réalisés au cours de cette année, ce fut l’introduction de stations de métro pour les lignes d’un invisible réseau souterrain qui m’occupa le plus longtemps. Ma ville disposait à ce jour de trois lignes aériennes et je comptais bien rester sur la décision que j’avais prise en 2015 de ne pas en construire davantage parce qu’elles me compliquaient la vie comme je l’avais alors expliqué. Par contre, considérant qu’une agglomération de ma taille se devait de posséder aussi un réseau souterrain doté non pas de simples bouches de métro comme à Paris, Londres ou Berlin qui, à mon échelle, auraient été microscopiques mais de magnifiques entrées comme celles qui furent construites du temps de l’Union soviétique, je me lançai dans l’élaboration d’un prototype pour lequel je m’inspirai des volumes de la station Narvskaïa du réseau de Léningrad dont la hauteur avoisine les vingt mètres et dont l’apparence, avec sa large coupole et son vestibule  monumental, rappelle davantage celle d’un théâtre ou d’une basilique. Cette station se trouve d’ailleurs dans un quartier très intéressant d’un point de vue architectural et, à l’époque où j’y avais vécu quelques mois, je faisais toujours à pied le trajet me conduisant de chez moi à la station de métro non pas pour économiser les quelques kopecks d’une course en trolleybus ou pour éviter d’être entassé comme une sardine à l’huile mais pour regarder à mon aise les immeubles bordant l’avenue principale dont les plus réussis étaient de style constructiviste ou d’inspiration néo-classique à la sauce stalinienne. Raisonnablement satisfait de l’un de mes prototypes pour lequel je m’étais servi de quatre briques d’un tenon et demi permettant en les positionnant en carré la création de quatre arches d’un centimètre de hauteur censés représenter à mon humble échelle les portes monumentales de ma nouvelle infrastructure, je le répliquai en une bonne vingtaine d’exemplaires que je répartis dans les endroits libres susceptibles d’accueillir une station de métro : devant les gares et l’aéroport, en face des stations du métro aérien (pour les correspondances) et près des grands bâtiments publics. Ce fut au cours de cette opération que je m’aperçus que l’étroitesse du parvis de la gare de l’Est ne me permettait pas d’y placer l’une de mes majestueuses stations qui, je le précise pour ceux qui s’imagineraient des proportions colossales après ma débauche d’adjectifs ne mesurent en réalité que trois tenons sur trois soit 2,3 centimètres de côté. Je me consolai dans un premier temps en me disant que l’accès au métro se trouvait dans la salle des voyageurs mais je ne pouvais pas m’empêcher de regretter que cette gare ne fût pas elle aussi, comme toutes les autres, équipée sur son parvis d’une véritable station de métro. Après avoir longuement tergiversé, je pris la décision, parfaitement délirante dans le monde réel, de reculer d’un tenon l’ensemble de la gare, ce qui s’avéra, à ma grande surprise, d’une simplicité enfantine et ne me demanda pas de remanier grand-chose.     

Puis, profitant d’un lot de briques cylindriques d’un tenon, je refis les piles cubiques et beaucoup trop massives des trois longs viaducs de mes lignes aériennes ce qui me permit de les affiner d’un quart, soit la différence de volume entre un cube et un cylindre de même largeur. Malheureusement, je perdis en solidité ce que je venais de gagner en réalisme et me rendis compte après coup que je venais de contribuer à la fragilisation de ces infrastructures que je trouvais déjà branlantes avant le début des travaux.

Parmi les milliers de pièces que je venais de recevoir, se trouvaient aussi plusieurs centaines de décaleurs gris clair qui me servirent à mener deux opérations d’ordre cosmétique. Les immeubles de la majeure partie de mes avenues staliniennes sont composés d’un long corps central d’une centaine de mètres flanqué aux carrefours d’avant-corps beaucoup plus courts et de hauteur différente (soit légèrement plus hauts ou légèrement plus bas). Jusqu’alors, le retrait entre les différents corps de bâtiment était d’un tenon (soit 7,5 mètres) de telle sorte que les avenues (aux constructions parfaitement symétriques) s’élargissaient de 15 mètres au niveau des corps principaux pour se rétrécir d’autant à l’approche des croisements. Cela n’avait rien d’extravagant puisque c’est effectivement le cas, pour ne citer qu’un exemple, pour les blocs C et E (conçus respectivement par Richard Paulick et Hanns Hopp dans les années cinquante) de l’avenue Karl Marx à Berlin mais je trouvais exagérés ces décrochements correspondant à la moitié de la largeur totale des bâtiments concernés. La réfection de mes trottoirs à l’aide de décaleurs me permit de réduire de moitié la profondeur des retraits et d’embellir à mes yeux l’ordonnance de mes grandes avenues résidentielles. Je me servis en outre de ces mêmes pièces pour embellir les platebandes enherbées séparant les deux sens de circulation de certaines avenues. La couleur que j’utilise pour mes espaces verts étant très foncée et ne tranchant pas suffisamment à mes yeux avec le gris anthracite de mes chaussées, je n’étais pas vraiment satisfait du résultat de leur juxtaposition. L’introduction de décaleurs gris clair me permit de séparer d’un demi-tenon de couleur claire les platebandes des chaussées et de mieux relever les contrastes. Les gazons s’en retrouvèrent rétrécis d’un tenon et se transformèrent, puisqu’ils venaient de gagner trois millimètres de hauteur, en bosquets de faible élévation ou en massifs de gros arbustes.    

Enfin, je réalisai toute une série de travaux de moindre importance. Je construisis quatre multiplex en m’inspirant du fronton monumental et des pans inclinés du cinéma Kaeson à Pyongyang qui n’offre d’intérêt que pour son architecture, sa programmation ne provoquant qu’un irrépressible bâillement d’ennui et ne consolant sans doute en rien de vivre dans une épouvantable autocratie. Je rebâtis une énième fois mon université et la fit cette fois-ci davantage ressembler (en beaucoup plus élancée) à la Maison de la Presse à Bucarest. Enfin, en souvenir de l’indélébile impression que m’avaient faite durant mon enfance, l’illumination aux lettres de l’URSS (ce qui donne CCCP en caractères cyrilliques) de quatre gratte-ciels de l’avenue Kalinine à Moscou, j’édifiai quatre tours identiques dans le but de reproduire le même effet mais, ne leur trouvant pas d’emplacement dans ma ville et ne souhaitant pas glorifier la dictature, je finis par les laisser végéter dans la caisse des projets avortés.    

Quand vint la fin de l’année, je regrettai que les mesures sanitaires prises pour lutter contre la pandémie m’eussent empêché d’exposer et de jouir enfin d’une vue d’ensemble sur Microville et espérai, malgré l’accumulation de signes n’incitant pas à l’optimisme, que ce serait de nouveau possible dans les mois à venir.

 

dimensions et réalisations en 2020

 dimensions: 81 plaques soit 11,7 m² (+18 plaques maritimes)

 réalisations:

- rétrécissement du fleuve et transformation de son lit

- reconstruction de la majeure partie des immeubles de bureaux de petite taille  

- destructions des derniers immeubles art-déco de taille moyenne

- reconstruction d’un grand nombre de gratte-ciels grâce à l’introduction de minibriques translucides

- reconstruction du gratte-ciel inspiré de la tour Sears à Chicago pour lui restituer ses proportions d’origine

- construction de cinémas sur le modèle du cinéma Kaeson à Pyongyang

- construction d’une vingtaine de stations de métro

- élargissement du parvis de la gare de l’Est

- rénovation de toutes les piles de pont et de viaduc

- construction du Palais de la république en mode décalé

- reconstruction de l’université (sur le modèle de la maison de Presse à Bucarest)

- réduction de moitié des retraits entre avant-corps et arrière-corps pour les immeubles d’habitation jalonnant

  les avenues principales  

- mise en valeur des platebandes agrémentant les avenues principales

 

constructions préférées en 2020

médaille d'or: gratte-ciel inspiré du Centre international du commerce à Berlin-Est

médaille d'argent: Palais de la république inspiré de l’édifice du même nom à Berlin-Est

médaille de bronze: premiers immeubles de bureaux mitoyens

 

acquisition de nouvelles pièces en 2020

(en dehors des briques les plus traditionnelles)

décaleurs gris clair (2x1x0,3)

Ces pièces permettent, quand elles sont placées à l’horizontale, de décaler d’un demi-tenon vers l’avant ou vers l’arrière les briques posées sur elles. Quand, en 2011, je pris la décision de m’en procurer un lot de couleur noire, je ne savais rien de ce possible emploi. J’étais à la recherche de toitures décentes pour les petites surfaces et m’étais imaginé qu’elles pourraient convenir. Je m’aperçus vite que je me trompais. On ne voyait plus que le tenon évidé se trouvant au milieu de chaque pièce et c’était très laid. Quelques années plus tard, je découvris par hasard à quel emploi ces pièces étaient destinés et m’en servis, dans un premier temps, pour recentrer certains édifices au milieu de places aux dimensions impaires et, en 2019 puis en 2020, pour construire, comme un vrai professionnel, mes deux premiers immeubles en mode décalé : le siège du Nouvelliste et le Palais de la République qui, parce que j’utilisais pour la première fois un nouveau mode de construction, me remplirent de fierté. Les décaleurs gris clair que je reçus en 2020 me permirent de diminuer de moitié les retraits entre corps principal et corps latéraux d’un grand nombre d’immeubles d’habitation et de mettre en valeur les platebandes enherbées de mes avenues principales.