historique: année 2011


vue aérienne de ma ville prise début 2011

vue aérienne de ma ville prise fin 2011

 

les événements marquants de l'année 2011

L’année suivante, en 2011, j’appris par hasard qu’un magasin de mon enseigne préférée avait ouvert ses portes dans l’avenue la plus commerçante et qu’il était possible d’y acheter les pièces de son choix. Je m’y rendis sur-le-champ et compris que j’allais pouvoir me remettre au travail. Il y avait, parmi toutes les pièces proposées, des dalles rouges couvrant une surface de quatre tenons dont la couleur ne m’enchantait pas mais qui devaient me permettre de cacher toutes ces épouvantables pustules qui défiguraient ma ville. J’avais remarqué, quelques temps plus tôt, en observant les images satellitaires des grandes villes de Chine et de Corée au cours de l’un de mes innombrables voyages virtuels, qu’un grand nombre de bâtiments, notamment dans les zones d’activités, étaient couverts de toits bleus, verts et même rouges, ce qui acheva de me convaincre. J’en pris tout de suite un grand gobelet qui, pour une quinzaine d'euros, devait en contenir un bon millier. Et ce fut ainsi que, de gobelet en gobelet, j’eus vite fait de doter ma ville de toitures décentes et de la délivrer définitivement de son acné juvénile. Dès lors, j’eus la certitude que ma cité naissante était promise à un bel avenir et qu’elle ne me décevrait plus. Quand je regarde aujourd’hui les clichés de cette époque, j’avoue avoir quelques difficultés, pour user d’un léger euphémisme, à m'expliquer les raisons d’un tel optimisme. Pour tout dire, qu’il me fût possible de fonder quelque espoir sur un ensemble aussi disgracieux reste à ce jour un mystère insondable. Je ne savais pas alors qu’il y avait, de par le vaste monde, des milliers d’autres légobâtisseurs et qu’il suffisait de naviguer quelques secondes sur la toile pour tomber sur leurs œuvres. Je considère aujourd’hui que ce fut une chance que je n’en susse rien car l’indéniable supériorité de leurs réalisations sur mon bricolage infantile n’eût pas manqué de me décourager à jamais. Cela dit, je n’ai jamais été, malgré mon indéfectible inclination pour elle, béat d’admiration devant ma ville et j’ai toujours eu, très présente à l’esprit, une longue liste de travaux d’embellissement à réaliser dans les plus brefs délais pour la rendre plus présentable.

Pour revenir à cette année 2011, les quatre entreprises me semblant alors les plus prioritaires étaient la réfection de toutes les façades aux couleurs trop tapageuses, la reconstruction des gratte-ciels les plus bariolés, la pose de toitures sur les petites surfaces auxquelles mes nouvelles dalles rouges de quatre tenons ne convenaient pas et l’aménagement de la voirie pour mes malheureux habitants.

La première opération, qui consistait donc à ravaler les façades des immeubles d’habitation, fut étrangement la plus facile à conduire même si je n’en vins à bout que l’année suivante. Pour éviter les bariolages intempestifs, je pris d’abord la décision de répartir les différents quartiers résidentiels par couleur (bleu au nord-ouest, vert au nord, blanc au nord-est, jaune au sud-est et rouge au sud-ouest). Malgré tous mes efforts, il me fallut bien reconnaître, une fois réalisés ces premiers réaménagements, que la vue d'ensemble restait une souffrance pour toute pupille délicate. Grâce à l’acquisition de quelques milliers de briques striées grises d’un tenon sur deux (les gobelets ronds du magasin où je me fournissais pouvaient, pour une quinzaine d’euros, en contenir 500 en vrac ou 700 si l’on avait la patience de les empiler consciencieusement), je pus flanquer chacun de mes immeubles d’habitation de deux travées de couleur terne, qui, malgré le caractère très improbable de cet aménagement lorsqu’il est reproduit sur l’ensemble des zones résidentielles d’une seule et même agglomération, atténuait la domination des rouges, des bleus, des jaunes et autres verts. Il n’est pas rare en effet qu’un immeuble soit doté de travées de couleur distincte mais ce sont généralement les cages d’escalier et celles-ci ne se situent pas aux extrémités. Peu importe. Aujourd’hui, alors que les couleurs vives ont grandement disparu de ma ville et que mes immeubles d’habitation revêtent généralement des façades blanches, je continue de conserver ces travées latérales grises auxquelles je me suis attaché et qui, en quelque sorte, sont devenues le trait distinctif de la majeure partie de mes quartiers résidentiels. Je me résolus ensuite à remplacer toutes les briques de couleurs vives par des briques blanches. Cette opération s’avéra plus délicate. Comme il n'était pas question que je courusse à ma ruine en achetant de grosses briques rectangulaires n'entrant qu'en petit nombre dans les gobelets ignominieusement ronds du magasin où je me fournissais, ce furent mes élèves, mes collègues, mes voisins, mes amis et mes neveux qui, contre la promesse d'un logement de prestige dans l'immeuble de leur choix, m'approvisionnèrent en fouillant leur grenier ou en rouvrant leur coffre à jouets. Les arrivages n'étant pas toujours très réguliers, ni d’ailleurs de la meilleure qualité, cette dernière transformation s'opéra avec beaucoup plus de lenteur mais, comme je le disais précédemment, je finis par en venir à bout. Quelques années plus tard, profitant de l’acquisition d’un lot de briques flambant neuves, je pus remplacer toutes les pièces jaunies, rayées voire ébréchées qu’on m’avait alors refourguées, ce qui fait que ma ville, même observée à la loupe, se présente aujourd’hui sous son meilleur jour.

La seconde opération, qui consistait à reconstruire les gratte-ciels les plus fantaisistes, fut, ne sachant quelle stratégie opérer et choisissant à plusieurs reprises d’en changer, un long processus de maturation qui, aujourd’hui, plusieurs années plus tard, n’est toujours pas achevé même si les progrès réalisés sont indéniables et que je considère certaines de mes tours comme assez réussies. Je n’imaginais pas alors, mon esprit critique se mettant souvent en veille lorsqu’il se dirige vers ma petite personne, qu’aucun de mes gratte-ciels d’origine, tant ils étaient laids, ne survivrait aux renouvellements des années à venir. Quand, en 2011, apparurent dans le magasin où je m’approvisionnais les premières briques translucides, je me convainquis que mes gratte-ciels, pour être plus réalistes, devaient gagner en brillance et en transparence. Et ce fut ainsi que, de gobelet en gobelet, j’acquis quelques milliers de ces pièces que j’insérai tant bien que mal dans la plupart de mes gratte-ciels. Je sais aujourd’hui, pour des raisons que j’expliquerai ultérieurement, que ce n’était pas une bonne idée mais je pensais alors, même si le fruit de ces nouvelles transformations ne me faisait pas bondir de joie, qu’il fallait persévérer dans cette voie pour obtenir les résultats escomptés.

La troisième opération, qui consistait à trouver des toitures adéquates pour toutes les surfaces auxquelles mes dalles rouges ne convenaient pas, soit que ces surfaces fussent inférieures à quatre tenons comme c’était le cas pour mes immeubles aux nombreux retraits inspirés des architectures art-déco ou néoclassique, soit qu’elles fussent certes un multiple de quatre tenons, comme c’était le cas pour mes gratte-ciels modernistes, mais pour lesquelles la couleur rouge, a-t-on jamais vu un gratte-ciel au toit rouge? n’était pas envisageable, fut un long calvaire qui ne prit fin qu’en 2016 lorsque j’obtins en quantité suffisante auprès de la maison mère les pièces de mon choix pour un prix  défiant toute concurrence, ce dernier point se devant d’être souligné car je n’ai jamais voulu dépenser trop d’argent pour ce loisir d’adulte attardé. En attendant l’avènement du pays de cocagne, il me fallut faire avec ce que j’avais et j’avais très peu. Je ne disposais pour toutes ces surfaces à couvrir que de trois types de pièces dont aucune ne me satisfaisait. Il y avait les minidalles translucides rouges d’un unique tenon, les grilles grises ou blanches de deux tenons, et les plaques décentrées noires de deux tenons, ces pièces dénommées «jumper» en anglais ou «azmep» (aus zwei mach eins Plättchen) en allemand permettant de décaler d’un demi-tenon les briques les surmontant et auxquelles je décide, puisqu’il faut bien les appeler d’une façon ou d’une autre, d’attribuer le plus arbitrairement possible le nom de «décaleur». Je trouvais les premières pièces, les dalles translucides rouges, beaucoup trop brillantes, surtout lorsqu’elles reposaient sur des surfaces claires qui renforçaient leur rougeoiement, mais elles avaient l’indéniable avantage de couvrir toutes les surfaces, même les plus petites. Aussi, pris-je le parti de m’en servir en me disant qu’il s’agissait en réalité de panneaux solaires. Je me servis aussi, faute de mieux, des grilles pour les toitures d’un grand nombre d’immeubles. Le résultat ne m’enchantait pas, surtout lorsqu’elles reposaient sur des briques claires dont la couleur transparaissait mais je me disais qu’il ne s’agissait que d’une solution temporaire. Quant aux décaleurs noirs, leur emploi me parut brièvement une bonne idée mais je finis vite par y renoncer, ne trouvant pas de fonction plausible à leur tenon central évidé qui me donnait de l’urticaire dès que mes yeux tombaient sur eux. Bref, je ne retins que les minidalles translucides rouges et les grilles grises et blanches qui, pour un résultat très mitigé, furent bientôt omniprésentes dans ma ville.

Quant à la quatrième opération, qui consistait à doter ma ville d’une voirie digne de ce nom pour que mes malheureux administrés n’eussent plus à circuler sur de la terre battue, ce qui signifiait, pour être plus précis, qu’il me fallait asphalter mes rues, daller mes trottoirs et enherber mes espaces verts, elle resta prioritaire quelques années supplémentaires et ce ne fut qu’en 2017, comme nous le verrons ultérieurement, que le problème fut définitivement réglé.

Très soucieux, comme Eugène Haussmann à Paris ou Carlo Rossi à Saint-Pétersbourg, d'ouvrir des perspectives et de les refermer sur des réalisations prestigieuses, et raisonnablement satisfait de mes deux premiers gratte-ciels de style néoclassique soviétique communément appelé stalinien, (il s’agissait de la préfecture de police et du siège de la Télévision Publique Nationale), je pris la décision d’en construire quatre autres dans le même style et de leur réserver des emplacements de choix. Ce fut ainsi que l’hôtel de ville ouvrit l’avenue de la République qui longea plus au sud l’Académie des Sciences, que le Grand-Hôtel referma l’avenue de la Liberté qu’ouvrait la gare du Nord et que les Archives nationales refermèrent l’avenue de la Révolution qu’ouvrait la préfecture de police.

 

dimensions et réalisations en 2011

dimensions: 20 plaques soit 2,9 m²

réalisations:

- construction d’une nouvelle zone résidentielle au sud de la ville

- construction de l’hôtel de ville, du Grand-Hôtel, des Archives nationales, et de l’Académie des sciences

- construction d'une trentaine de gratte-ciels 

- reconstruction d’une vingtaine de gratte-ciels

- réfection des façades des immeubles d’habitation

- percement de la ligne C du métro

- pose de toitures rouges sur les immeubles d'habitation 

 

constructions préférées en 2011

médaille d'or: Grand-Hôtel

médaille d'argent: non attribuée

médaille de bronze: non attribuée

 

acquisition de nouvelles pièces en 2011

(en dehors des briques les plus traditionnelles)

dalles rouges (2x2x0,3)

Elles me servirent à couvrir les immeubles d'habitation même si, comme je l'ai dit précédemment, leur couleur, trop criarde, ne m'enchantait pas. De 2012 à 2018, ces dalles ne furent plus employées que pour les supermarchés et certains bâtiments publics se trouvant généralement à l'intérieur des îlots comme les groupes scolaires, les maisons de retraite, les centres multiservices et les supermarchés. En 2018, elles disparurent complètement de ma ville lorsque j’entrepris la rénovation de tous les bâtiments publics.    

dalles translucides rouges (1x1x0,3)

N'ayant pas d'alternative pour les toitures de petites dimensions, ces dalles translucides me servirent, bien à contre cœur, à couvrir tous les gratte-ciels au profil découpé. Je n'aimais ni leur couleur ni leur brillance et me disais, à l'époque où elles étaient omniprésentes dans ma ville, qu'il s'agissait de panneaux solaires. Aujourd'hui, ces pièces ont disparu des toitures de mes immeubles mais il m'arrive de m'en servir en façade, grâce aux équerres bidirectionnelles, et pour représenter les enseignes lumineuses situées au sommet de certaines tours.

briques translucides incolores, brunes et vertes (1x2x1)

Alors que je n'en disposais que d'un petit nombre au début des travaux, j'en acquis plusieurs milliers pour donner de la transparence à mes gratte-ciels. Malheureusement, je reconnus quelques années plus tard que le résultat, lorsqu’elles étaient mêlées à des briques opaques de même élévation, n'était pas satisfaisant. Les briques translucides incolores, beaucoup trop transparentes, ont aujourd'hui pratiquement disparu et ne servent plus qu'à combler les creux.

vitres blanches translucides (2x1x2) 

 Elles me servirent à réaliser les grandes baies vitrées des gares, des aéroports et plus tard du musée d'art moderne et du stade olympique. En raison de leur gigantisme à l'échelle où je travaille (15 mètres de long sur 20 mètres de haut pour chaque pièce), leur emploi reste nécessairement limité.

briques striées grises (2x1x1)

 Elles me servirent à flanquer mes immeubles résidentiels de travées latérales grises qui me permirent, dans un premier temps, lorsque je ne disposais que de briques aux couleurs vives, d’atténuer l’omniprésence de ces dernières, puis, par la suite, lorsque ces briques bariolées finirent par disparaître de ma ville, de doter mes ensembles locatifs d’un trait caractéristique qui, même s’il ne me semble pas d’un très grand réalisme, ne me déplaît pas pour autant.